Karim Forlin
Au même titre que la forme réticulaire voit sa symbolique contemporaine subir une transformation vers la forme communicationnelle du réseau, la forme de K apparaît comme entre deux états. Construit comme une accumulation de signes, chaque filet de corde, suspendu à des crochets de cuivre, évoque ainsi, sous son enduit de latex quasi amniotique, un aspect transitoire, liquide et solide, rugueux et lisse, abri et piège. Le cuivre est lui-même, dans le protocole alchimique, l’un des métaux imparfaits qui marque une étape dans la transmutation du fer en or ; il est le métal de la planète Vénus, gouvernante ambiguë des désirs. Châles de macramé, au fil ébouriffé comme un chignon de vieille femme ; instruments de capture d’une chasse aux sorcières, ou d’une féminité fatale ; rets magmatiques épargnés en partie du plongeon dans un bain aussi repoussant que captivant : la superposition des temps d’existence de l’œuvre et de ses temps de lecture, entravent une lecture réductrice de son cheminement.
Cheminement, que l’œuvre poursuit à deux titres : en tant que passage de fluides - qu’elle ne peut arrêter, au contraire des formes solides - ; et en tant qu’objet provisoirement retenu par son crochet de cuivre. Les allusions à la sorcellerie et à l’alchimie, contribuent à faire de l’entrelacement un motif réversible, tantôt positif, tantôt négatif. Envisagée comme métaphorique des manifestations de pensée contemporaine, et de l’omniprésence de la «figure» du réseau, l’œuvre aborde la question de la diffusion et de la rétention des idées, sous les traits d’un savoir-faire ancestral envahi par l’étrangeté du fluide qui le fige : à la manière d’une bête tapie dans une visquosité dont elle pourrait s’échapper par un simple spasme.